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vendredi 28 septembre 2012

J'ai testé pour vous : Les Ch'Tis à Mykonos (télé-caca)



L’excuse :

J’ai la crève, j’ai mal à la tête, le nez bouché, les bronches irritées, j’ai fait 5 heures de cours émaillées de deux rapports d’incident dont un assorti d’une exclusion. En rentrant, une fois n’est pas coutume, direction le canapé avec devant moi mon verre de Doliprane, mon grog et la zapette. Le Destin m’amène sur W9 et là, c’est la révélation. Yeux écarquillés, bouche ouverte, filet de bave à la commissure des lèvres, je tombe en hypnose devant l’émission à qui je décerne la palme d’or universelle de la télé-poubelle pour ados lobotomisés et ménagères dépressives chroniques. Enfonçant de loin la Star’Ac, Secret Story et autres sous-produits navrants de ce brillant XXIème siècle, j’ai nommé « Les Ch’Tis à Mykonos ».

Le concept :

Une bande de futurs télé-bière-foot venus des lointaines contrées brumeuses sises entre Boulogne-sur-Mer et la frontière belge sont expédiés par la prod’ à Mykonos, « l’île qui ne dort jamais », la petite cousine grecque d’Ibiza pour noctambules bodybuildés et futurs handicapés auditifs abonnés aux boîtes saturées de décibels et de stroboscopes.
Les sympathiques participants sont qualifiés de « rois de la fête » et se prétendent qui « DJ », qui « barman », qui « danseuse », qui « mannequin », qui « serveuse ». Nous verrons par la suite le pourquoi de ces surprenants guillemets.
Si j’ai bien compris le truc, ils font une sorte de jeu de rôle dans lequel ils singent des saisonniers. Ils doivent « bosser », « faire leurs preuves », chacun dans sa spécialité. En gros, la prod’ a rencardé des boites locales aux noms aussi originaux qu’évocateurs tels que le « Super Paradise » pour « mettre à l’essai » nos amis nordistes, à raison d’une heure ou deux de « boulot » de temps en temps.
Pis c’est tout. C’est le concept. Pour le reste, se reporter au pionnier « loft story » pour l’art de filmer le néant.

Les critères du casting :

-          Etre super bien gaulé(e)
-          Avoir le niveau culturel d’un pied de chaise Conforama
-          Avoir un QI inférieur à celui d’une huître à l’agonie
-          Etre super bien gaulé(e)

Le contenu :

Grosso modo, en calculant à la louche, 70% du temps il ne se passe rien (les Ch’Tis font du karting, les Ch’Tis font du jet-ski, les Ch’Tis font une bataille de chantilly et de ketchup, les Ch’Tis se réveillent, les Ch’Tis se préparent pour sortir en boîte, se coiffent, essaient moult défroques, se laquent les cheveux, se maquillent, se font les ongles, se regardent dans la glace, se lancent des coussins, font le ménage, nagent dans la piscine, se draguent entre eux… bref c’est les Sims avec des vrais gens).
On va dire que durant 25% du temps ça s’engueule avec un vocabulaire limité à moins de 100 mots, dont une ribambelle de « voilà », « ça va », « grave », « tûûûût » (tintement pudique pour masquer ce qu’on devine être « couille », « salope », « merde », « cul »).
Les 10% du temps restant sont comblés à 80% par les scènes de boîte au « Super Paradise » durant lesquelles nos inimitables bivalves septentrionaux « mettent l’ambiance », « mettent le shogun », « crament la piste » ou encore « sèment un one-again de ouf ».
Les ultimes 20% (de 10% du total, ce qui fait assez peu), on les voit « bosser ». C’est là qu’on se surprend à sourire (oui, j’assume, j’ai souri !). Parce que nos « rois de la fête » sont aussi les empereurs du n’importe quoi et de la loose. Je ne sais qui est le plus pitoyable entre le « DJ » qui n’a visiblement jamais vu une platine de sa vie, le « barman » qui se plante dans les cocktails, le « danseur » qui se fait pousser dans la piscine par les clients tellement il est grotesque, la "serveuse" reléguée au ramassage des verres vides mais qui n’a pas le droit de servir, la « mannequin » qui – malgré une fort jolie plastique – est plus rigide devant l’objectif qu’une amphore du Vème siècle avant Jésus-Christ ou la « danseuse » qui se tortille avec une élégance de phacochère en agitant de soubresauts disgracieux la cellulite naissante de ses fesses moulées dans un minishort rose fluo qui dissimule à grand peine ses parties intimes heureusement épilées de frais.
Précisons que les « Ch’Tis » « bossent » environ une à deux heures par jour (évidemment, comme ils ont « mis l’ambiance » toute la nuit, faut bien qu’ils fassent la grasse mat’ dans la villa de rêve que la prod’ a mise à leur disposition). Mais c’est déjà trop. Au bout d’une heure, ils sont épuisés, cuits, ils soupirent, « pètent les plombs », saturent, s’effondrent.

Conclusion :

La télé est à la culture ce qu’est MacDo à la gastronomie.
La télé-réalité est à la télé ce qu’est Lidl à la grande distribution.
Eh bien, tout au fond de ce sac à merde, bien collé au fond, on trouve « Les Ch’Tis à Mykonos ».
Le vide, le néant, l’inculture, la fainéantise et la connerie élevés au rang d’art télévisuel. J’ai bien dit « art » car lorsqu’on atteint ces niveaux-là, ça devient artistique, conceptuel.

Que dire de l’intégrale supercherie de ce genre de programme ?

-          Que tout est filmé en plans mobiles, ce qui implique la présence d’une équipe technique en permanence au contact des ectoplasmes nordiques (contrairement à Loft Story où tout était filmé par des caméras planquées dans les murs). Ce qui revient à dire que ce n’est même pas de la télé-réalité malgré ce que cherche à faire croire le concept (« épreuves », « éliminations »). Non. C’est juste une sitcom abominablement nulle qui fait l’économie d’acteurs professionnels. Rien de plus.
-          Que le risque est de faire croire à des ados à peu près aussi décérébrés que les glorieux héros de cette « chose » que le boulot de saisonnier consiste à bosser (mal) deux heures par jour et à passer le reste du temps à bronzer, à draguer, à « mettre l’ambiance » dans des boîtes hyper chères avant de rentrer dormir dans une villa de rêve…
Non, gentil ado, ce n’est pas ça faire la saison estivale. Faire la saison c’est bosser 10 heures par jour sans compter les « services » que le patron te demandera de lui rendre « amicalement » après tes heures (balayer le resto, faire les vitres, sortir les poubelles…). Faire la saison, c’est se loger par soi-même dans un camping-car surchauffé au fin fond d’un camping miteux de l’arrière-pays alors que tu fais le larbin toute la journée dans un quatre étoiles avec piscine, boîte et bar américain… Faire la saison c’est gagner à peine de quoi bouffer et payer ton camping. C’est rentrer épuisé le soir et dormir comme un con au lieu d’aller draguer au « Super Paradise ». C’est être pris pour un con par ceux « qui paient, donc qui ont droit à… ». C’est se faire engueuler à la fois par les clients et par le patron. C’est se faire lourder si on ne suit pas les cadences…

Oui, j’ai regardé « Les Ch’Tis à Mykonos ». Ça m’a même fait marrer parfois. J’avoue, j’assume, je n’ai pas honte.
Mais quand j’ai éteint la télé, j’ai eu beau me dire « tu as regardé cela avec un recul de sociologue », ça ne m’a pas empêché de me sentir un peu plus con qu’avant. La télé-poubelle n’est pas seulement un concentré de nullité. La télé-poubelle est nuisible. Elle ramollit le cerveau et fait passer la bêtise la plus crasse pour une norme à imiter, une valeur à intégrer. Ajoutez à cela les quatre coupures de pub et vous obtenez une arme de destruction cérébrale massive, une machine à tuer l’intelligence, une fabrique de bons petits beaufs bien dociles à la tête bien vide.

Putain de XXIème siècle. Dire que quand j’étais gosse je rêvais de l’An 2000…